Madres paralelas
Almodóvar insiste dans sa scénographie une symétrie qui s'évolue mais persiste : on voit les deux mères dans la chambre de l'hôpital ou dans la cuisine et autour de la table placées l'une face à l'autre (à travers un plan moyen, ou deux gros plans sur les visages). Il existe sans doute un parallélisme formel bien pensé et exécuté, et l'esthétique y est.
Dans un deuxième temps, il y a aussi une insistance sur le fait de photographier les personnes (vivantes ou mortes, corps ou cadavres) / les objets banals - l'arrière-grand-père était photographe amateur et la protagoniste photographe professionnelle ; le film s'ouvre par une scène de photo et la fin aussi touche cet acte de photographier (qui d'ailleurs se transforme dans une sorte de réalité avec une vue panoramique verticale). Notons alors que la reconnaissance des deux petits enfants est liée aux photos, et la reconnaissance des victimes de la guerre civile aussi. Le réalisateur aborde donc un thème barthésien (La Chambre claire) avec cette problématique du statut de l'image comme un lien (et un non-lien) entre l'histoire (l'Histoire), le présent et le futur.
Mais Almodóvar semble préférer de montrer le parallélisme au lieu de discuter en profondeur l'essence de l'image. Chaque partie (le passé, le présent) bien construite, les deux ne sont liées que par des complications théâtrales et peut-être quelques éléments visuels/musicaux. Le film est beau mais brisé en deux. A la fin du film, le présent et le passé se regarde presque dans les yeux, mais se voient-ils véritablement ? Pourquoi cette scène devient une scène avec les "cadavres" ? Pourquoi cette théâtralité remplace l'image ? Oui cela peut être une commémoration, mais n'est-elle pas très étrange et artificielle. On se sent abandonné au dernier moment par Almodóvar, aux mondes parallèles.