Entre la théâtralité et le réel
La réalisatrice semble être inspirée d'Été 85 d'Ozon et produit alors une autre version de la jeunesse sans contrainte et spontanée. Il existe un niveau plus de la réalité qu'est le vécu réel de la réalisatrice au théâtre (elle était bien dans Platonov m.e.s par Patrice Chéreau en 1987), et pour cela son regard vers ce passé ambigu est précieux. Pourtant, le scénario a une ambition trop grande en voulant plusieurs focus sur de différents personnages ; souvent les séquences ne sont pas assez longues pour que la durée produise une profondeur émotionnelle et les personnages se retrouvent anecdotiques et superficiels. Même si deux ou trois séquences racontent une seule chose (souvent assez intéressante), l'enchaînement des évènements est un peu chaotique pour vraiment plonger le public dans le moment : notamment je pense à la séquence où les trois comédiennes font l'appel pour savoir le résultat du test VIH - le zoom sur le personnage qui court souligne bien la valeur du corps physique et l'expression du visage, le plan en plongée radicale sur les trois filles soulagées est très belle aussi, mais la séquence s'arrête vite ici sans attendre le temps de toucher une émotion plus profonde. En revanche la caméra reste (peut-être fautivement) longtemps sur le visage (déjà trop) expressive de la protagoniste : oui cela met un accent sur le côté de la performance dans ce film et donne un effet méta-théâtral, mais insister sur la performance risque de nuire le sentiment du réel au premier degré. Il y a aussi des plans courts avec l'angle de prise de vue depuis la scène - je les considère comme depuis un point de vue impossible (comment peut un œil voit depuis le fond de la scène du théâtre ?) donc peu réels. En plus, peut-être pour compenser ce manque regrettable de profondeur et de longueur, une autre erreur est commise - (aussi une inspiration du film d'Ozon ?) la musique extra-diégétique dérange sans cesse le film. Mais un film est un film et n'est pas une collection des clips vidéos musicaux.
On aurait pu d'ailleurs jouer plus sur le parallélisme entre le scénario et la pièce de Tchekhov ou entre les acteurs du films et les comédiens du théâtre (je pense à Cassavetes). Je salue néanmoins l'effort des jeunes actrices et acteurs. Ils se lancent dans le cinéma avec passion comme ceux de 1987 dans le théâtre. Merci Nadia Tereszkiewicz et Clara Bretheau. :)